Le parcours d’Auréa Mukamutesa, comme tant d’autres rwandais, est empli de souffrances qui sont siennes depuis longtemps, mais aussi d’une volonté hors du commun pour rectifier ce qui est fondamentalement mauvais et injuste.
Sur le génocide de 1994, Auréa écrit :
Le terrible génocide a fait quelque 800 000 morts en un mois! Dans l’histoire du Rwanda, c’est du jamais vu : un homme tue sa femme, un enfant tue son parent… Rien ni personne n’y a échappé. Dans l’horreur, pour certains nous n’étions plus des humains, mais des serpents, des cancrelats, juste bons à être écrasés.
Les tensions existaient avant cette époque. Malgré la folie du génocide, les tensions ont perduré.
Mon histoire ne se résume pas à 1994, car 10 ans de guerre et d’insécurité ont suivi. Cela veut dire trois exils, la peur, l’angoisse du lendemain, le manque de moyens de subsistance.
Par trois fois, nous sommes revenus. C’était difficile : notre maison avait été dévastée, nos récoltes pillées, nos proches assassinés. Ma conviction était qu’il fallait pardonner, mais je vivais chaque jour sous une tension incroyable. Par exemple, la première personne que j’ai aidée par l’écoute est celui qui a voulu me tuer avec une machette.
Depuis, je prends en charge par l’accompagnement beaucoup de jeunes adultes, des enfants, des femmes violées, etc. Les gens avaient peur de m’approcher à cause du mal qu’ils m’ont fait. Petit à petit, la confiance est revenue.
Si les événements ont bientôt 30 ans, les traumatismes sont encore bien réels. Pour certains, l’angoisse continue d’oppresser leur vie : beaucoup de troubles liés aux stress post-traumatique, des cauchemars et insomnies, des maux de têtes et d’estomac, la dépression.
On estime que 80 % des enfants ont été confronté à une violence extrême, soit par le meurtre de leur parenté ou des voisins proches. Cela leur a fait perdre le sens de la vie. Beaucoup restent dans la solitude et la pauvreté, ce qui ne fait qu’empirer leur souffrance chronique.
Devant cette situation, Auréa a senti un appel pour les aider à se relever.
J’accompagne beaucoup de groupes. Je les aide à se reconstruire, à devenir des Bâtisseurs de ponts pour la paix, des relais dans notre société à tradition orale, qui vont nous aider `a rejoindre plus de monde.
Je leur apprends que la différence n’est pas une menace, qu’au contraire c’est une richesse. Je les accompagne avec des biens matériels, comme un beigne, un morceau de patate douce, un vêtement, ou un médicament. Grâce aux soutiens extérieurs, je peux les soutenir activement, comme avec des fournitures scolaires pour les enfants trop pauvres pour continuer leur éducation sans cette aide…
Ce ne sont pas des gens à qui on peut demander une participation. Cependant, ils m’apportent parfois trois avocats en signe de reconnaissance.
Auréa Mukamutesa
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Dom Derrien